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Et pourquoi pas, dis ?
12 mai 2015

Le cas de la jupe

Avec l'histoire de Charleville-Mézières, j'ai eu envie de raconter ce que je vois dans mon collège.

Je crois qu'on se trompe de cible. La longueur de la jupe n'est évidemment pas en cause dans cette histoire. Affirmer le contraire est beaucoup trop réducteur.
La jeune fille n'a pas été exclue parce que sa jupe était trop longue. C'est un peu trop facile, cette histoire de centimètres de tissu.
*D'ailleurs, elle n'a pas du tout été exclue : on lui a juste demandé de rentrer chez elle se changer, comme on le fait toujours quand la tenue n'est pas appropriée pour être au collège/lycée*

Pourtant, ça n'a rien de facile. Le sujet mérite qu'on y accorde de l'attention.
Mais pas qu'on en vienne à tricoter une polémique aussi inutile que stérile.

Depuis quelques mois, une charte de laïcité a été affichée dans tous les établissements scolaires publics.

Cette charte est affichée dans les salles de cours, on nous a demandé de la lire avec les élèves. Okay, y'a juste plein de mots compliqués, ahem, mais bon, j'ai quand-même évoqué le sujet, rapidement. Mes collègues d'Histoire-Géo ont davantage pris le relais, sur ce coup-là. Ouf.

Dans mon collège, les élèves accueillis viennent de tous les horizons. Les religions ne sont pas toutes représentées, ou en tout cas, pas dans les mêmes proportions.
Mais depuis quelques années, on note une progression significative du nombre d'élèves qui ne mangent plus à la cantine. Pas parce que la cantine est dégueulasse, non (d'ailleurs, c'est plutôt bon), mais parce que la viande n'est pas hallal. Là où les plats sans porc "suffisaient" par le passé, maintenant, ça ne fonctionne plus. Et moi, bêtement, je me dis que c'est dommage, pour ces élèves de se couper de la pause méridienne au collège : ils ne peuvent pas participer aux activités proposées (UNSS, chorale, club de maths...), puisqu'ils rentrent chez eux.

Nous sommes régulièrement "confrontés" à des signes ostensibles d'appartenance à une religion. Cela colle des ulcères à certains de mes collègues, cela en laisse d'autres complètement indifférents, et moi, moi, ça me touche. Ça m'interpelle.
Chacun fait ce qu'il veut avec ses ch'veux. Je ne crois pas en Dieu, je n'y ai jamais cru, et je n'ai même jamais eu d'éducation religieuse (ahem, j'ai même cru jusqu'à l'âge de 26 ans que Jésus avait été cloué sur sa croix, PUIS qu'il avait fait son chemin de croix. Je ne comprenais pas bien comment il a pu réussir à marcher, je l'imaginais, sautillant les bras en croix pour atteindre son but. Quand j'ai su qu'il avait D'ABORD porté sa croix avant d'y être accroché, ouh la la, j'en suis pas revenue de tant de barbarie ! Que c'est beau, la religion !) (Moui, je suis pas très fière de cette anecdote, hum hum). Alors je ne comprends pas tellement comment on peut croire en Dieu, mais bon, chacun fait ce qu'il veut, donc. J'ai du mal à comprendre, mais je l'accepte. Évidemment.

L'histoire de Charleville-Mézières m'a rappelé celle de Z.
Z. est une élève de quatrième. Plutôt gentille, un peu perdue, elle est arrivée de région parisienne en septembre dernier.
Depuis quelques semaines, j'ai remarqué un changement dans son attitude. Elle a été pas mal absente, et absente aussi quand elle était présente. Je lui demande régulièrement comment elle va. "Bien, Madame." Je lui ai même dit que je la trouvais triste. Elle m'a souri... tristement.
Depuis quelques semaines, Z. vient au collège avec une jupe longue, portée sur un pantalon. Au début, elle portait sa jupe le vendredi, et quand elle se dépêchait d'entrer au collège pour ne pas être en retard après le déjeuner, sa jupe volait un peu, on voyait donc son pantalon. Le vendredi, c'est le jour de la mosquée, avec la prière.
Il est évident qu'elle ne s'est pas trompée le matin en s'habillant et qu'elle n'a pas enfilé un pantalon par mégarde sous sa jupe. Cette jupe, fort jolie au demeurant, n'est pas portée "comme ça".
Cette jupe, c'est comme un voile pour ses jambes, quoi. Voile qu'elle porte sur ses cheveux dès qu'elle a franchi le portail.
À ce compte-là, de la même façon que le voile est un signe ostensible d'appartenance à la religion musulmane, et qu'il n'a donc pas sa place dans un établissement scolaire public (article 14 de la charte), je pense que la jupe longue portée de cette façon-là n'y a pas sa place non plus.

Et je suis prête à parier que la jeune fille de Charleville a, elle aussi, un pantalon sous sa jupe.

Je n'ai pas de solution miracle, je ne sais pas comment il faut réagir. Il me semble logique de signifier à ces jeunes filles que nous ne sommes pas dupes. Que si nous respectons leurs croyances personnelles, elles doivent le rester -personnelles. Je crois que le dialogue est primordial. Faire la distinction entre les jeunes qu'ils sont "dans la vraie" vie, et leurs devoirs d'élèves (sinon, z'ont qu'à mettre leurs pieds sur les tables, hein, comme à la maison).
Le cas de Z. n'est pas isolé, elles sont de plus en plus nombreuses à porter ces jupes longues, qui n'ont rien d'anodin. 3, 4, 5, depuis le début de l'année, on en observe de plus en plus, dans la cour.
Mais je suis aussi attristée de constater que certains de nos élèves ont l'impression de ne pas être acceptés comme ils sont (en même temps, on n'est pas chez MacDo non plus, papalapapa).

Je trouve que Mara Goyet en a très bien parlé, ici et ici. (Et v'là c'qu'elle s'est pris dans la tronche ! Sans déconner ?!?).
Ce qui prouve qu'on peut difficilement en parler. Et c'est bien dommage.

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