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Et pourquoi pas, dis ?
10 mars 2015

Prof normale ?

Je lisais un article sur l'excellent blog de Mara Goyet (celui-là).
Ça m'a fait sourire.

Parmi mes collègues, on trouve évidemment les "pudiques du prénom", qui va souvent avec la "pudeur de la date d'anniversaire" ainsi que la "pudeur de la vie entière".
Je ne sais pas bien à quoi ça sert, toute cette pudeur.

De la même manière que j'aime considérer mes élèves comme des filles ou des garçons en plus d'être des élèves, je trouve normal qu'ils me considèrent comme une femme en plus d'être une prof.
Nous avons tous une vie en-dehors du collège qu'il serait ridicule de nier.
Je ne suis pas Madame G. de 9h à 12h, puis de 13h30 à 17h30, et Julie le reste du temps. Je suis Julie G. tout le temps, c'est tout.

Je retiens assez vite les situations compliquées de mes élèves, pour, un, ne pas faire de gaffe, et deux, prendre des nouvelles de temps en temps. Et je retiens aussi qui a une maman prof ou un papa qui se lève à 4h tous les matins.

J'essaye de leur souhaiter leurs anniversaires.
Je n'oublierai jamais V., en sixième, à qui j'ai fait souffler une bougie POUR LA PREMIÈRE FOIS DE SA petite VIE, avec toute la classe qui chantait en choeur. *Frissons*.

Je commence toujours mes premiers cours par me présenter.
Prénom, nom, âge, anniversaire, ancienneté dans le collège, pédigrée de ma famille (je crois que je ne me lasserai JAMAIS de leurs têtes que je raconte que ma mère était prof de maths, mon père était prof de maths et d'économie, ma grand-mère était prof de maths, mon grand-père était principal de collège, mes soeurs sont maîtresses en maternelle, et l'une est mariée à un prof de maths, un de mes oncles est prof de maths, et mes tantes et autres oncles sont maîtresses eux-aussi) (vé-ri-di-que et délectable !), âge de mes enfants, implication dans l'établissement, adresse mail où ils peuvent me joindre (incluant les parents, d'ailleurs).

Puis je leur explique pourquoi j'aime enseigner au collège et pourquoi je choisis d'y rester pour le moment.

Certains diront qu'au collège, on ne fait pas vraiment des maths ou qu'on ne fait pas de vraies maths (c'est pareil ?) (cette phrase marche aussi avec toute autre matière). Ça tombe bien, ce ne sont pas les maths que je préfère dans mon métier. Ke-wa ???
Ce que j'aime, c'est le rapport à l'adolescence. Les regarder grandir. Devenir en quelques semaines de septembre des collégiens, eux qui étaient encore des écoliers hier. Devenir en quelques semaines de juin des futurs lycéens, eux qui étaient encore des collégiens hier.
Ce que j'aime, c'est instaurer une confiance suffisante pour qu'ils me croient quand je leur dis qu'il n'y a rien de meilleur dans la vie que les équations et le calcul littéral (excepté le chocolat au lait Lindt, évidemment).
Ce que j'aime aussi, c'est leur humour. Ils en ont beaucoup, en classe. Leur curiosité. Leur mémoire. Leur intransigeance.
J'aime voir des mondes différents se mélanger (ceux qui partent au ski, ceux qui ne mangent jamais à table avec leurs parents, ceux qui dévorent n'importe quel livre, ceux qui dessinent en permanence, ceux qui n'ont pas de cartable digne de ce nom, ceux qui ont déjà leur brevet avant de le passer, etc etc) (dans mon collège, il y a presque autant de mondes différents que d'élèves !).
J'aime aussi leur faire aimer -un peu- les maths. Je commence chaque chapitre par "dans la vraie vie...", ce qui n'est pas toujours fastoche (dans la vraie vie, à quel moment utilise-t-on la trigonométrie, hein ?!?). Je raconte ce que j'ai vécu quand j'étais à leur place. Je leur donne des astuces. Je les projette plus loin que le bout de ma règle jaune de taille inhabituelle et leur fais promettre qu'ils auront une pensée pour moi quand ils apprendront ENFIN que le carré d'un nombre peut être négatif alors qu'on me force à leur dire le contraire.
J'aime m'entretenir avec ceux qui ont du chagrin, de la colère. J'aime les aider à y voir plus clair sur ce qu'ils feront après. J'aime les accompagner dans ce douloureux processus qu'on appelle l'orientation, et qui est, même pour moi qui suis dedans depuis des années, un vrai labirynthe dont on ne sort pas forcément indemne.
J'aime les voir lucides sur leur situation. Je fais souvent ce test avec la classe dont je suis prof principale : je leur donne leur bulletin avant le conseil de classe, en ayant pris soin de surligner en vert ce qui est positif, et en orange ce qui l'est moins, et je leur demande de faire "vis ma vie de prof" en écrivant la synthèse au bas du bulletin. Non seulement ils sont extrêmement objectifs sur leur travail, mais souvent, ils sont plus durs que nous. Il m'arrive de garder un bout de leur synthèse-pour-rire dans ma vraie synthèse (en étant plus douce, eh oh, c'est que ça reste dans leur dossier, après !).

Je crois que mes élèves apprécient que je les écoute. Que je fasse la disctinction entre leur rôle d'élève (et ce que je suis en droit d'exiger d'eux à ce titre) et entre la personne qu'ils sont aussi.
Je vois trop de mes collègues qui ne respectent pas l'adolescent qui se cache dans l'élève, et ça, je ne supporte pas.
Ils apprécient aussi ma franchise, appelons un chat un chat, et un élève relou, un élève relou. Ma faculté à reconnaître que je me suis trompée ou à dire aussi qu'il/elle a fait drôlement des efforts.
Je suis évidemment parfois injuste, sans le faire exprès la plupart du temps, mais bon, la vie est sacrément injuste, non ?...

Un(e) prof normal(e), pour moi, c'est un prof qui aime l'enfant qui sommeille en chacun de nos élèves, sans jamais oublier que ce sont des enfants avant tout.

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